« Tu sais ma chérie, il est encore temps d'y renoncer. Un seul mot de ta bouche et je renvois tous les invités à l'instant. » Affublée d'une magnifique robe de dentelles blanches, Abby se pavanait devant le miroir. La demoiselle tournait à gauche et à droite afin de pouvoir contempler chaque angle de son reflet, tout devait être parfait. Aujourd'hui était le grand jour, celui qu'elle attendait depuis des années et celui qu'elle préparait mentalement depuis ses huit ans. En effet, d'ici moins de deux heures, elle sera mariée avec l'homme de sa vie, l'homme qui la rendait meilleure malgré les protestations de sa mère. Soupirant et levant les yeux vers le ciel, Abby se tourna vers sa mère avec un air sévère sur le visage. « Est-ce trop te demander que de jouer le rôle pendant deux heures? Tu sais, celui de la mère heureuse pour sa fille qui est sur le point de se marier? » Mélanie Dunsany pris le délicat voile dans ses mains, s'approcha de sa fille et déposa doucement le peigne dans la coiffure remontée de la future mariée, un léger sourire sur les lèvres. « Je dis seulement qu'Andrew est médecin et serait ravi de t'avoir à ses côtés. Avoue qu'il est beau garçon! » Cela n'en prit pas davantage afin qu'elle éclate de rire. On lui disait très souvent qu'elle possédait le même caractère que sa mère, ce ne fut qu'aujourd'hui qu'elle réalisa que c'était loin d'être un compliment. Sa mère était tout ce qu'il y a de plus bornée et lorsqu'elle avait une idée en tête, elle ne lâchait jamais prise. « Beau garçon? Dans le style coincé oui! S'il te plaît tant que ça, tu as juste à l'épouser Maman. J'aime Frank et je compte bien l'épouser aujourd'hui avec ou sans ta bénédiction. Maintenant aide-moi il ne reste plus grand temps! » Soit, les deux dames étaient fin prêtes lorsque Jack Dunsany fit son entrée dans la pièce, indiquant à sa fille qu'il était temps pour elle de déambuler jusqu'à l'autel. Jack était un homme assez imposant avec ses kilos en trop, mais il possédait l'âme d'un enfant et était un vrai bisounours, pas étonnant qu'il s'entende si bien avec Frank. En position, les portes de l'église s'ouvrirent comme pas magie en même temps que la musique traditionnelle. De là où elle se trouvait, Abby voyait parfaitement son futur époux, ce qui lui procura de nombreux papillons dans l'estomac et n'avait qu'une seule envie, courir le rejoindre et déclarer leur union devant tout le monde entier. Sans quitter son amour des yeux, la demoiselle avança vers l'autel tout en agrippant de toutes ses forces le bras de son père, un chaleureux sourire sur les lèvres [...]

« Bonsoir Madame Dalton, ici Veronique de l'hôpital. Je vous appelle car votre mari et votre sœur ont eu un grave accident de voiture...» Tout de suite après le mot accident, Abby laissa tomber le téléphone sur le sol, enfila une veste quelconque et pris la direction de l'hôpital. N'ayant pas terminée la conversation, elle ignorait ce qu'il s'était passé. Étaient-ils décédés tous les deux? Qui était responsable de l'accident? Trop de questions emplissait sa tête lorsqu'elle arriva à la chambre de sa sœur. Cette dernière gisait dans un grand sac blanc, qui servait principalement à transporter les cadavres à la morgue. La simple vision de cette forme la rendit faible, tellement faible que ses genoux à présent mous comme de la guenille ne supportaient plus le poids de son corps et elle se laissa tomber sur le sol, les larmes aux yeux. Maddie venait tout juste d'avoir 22 ans et une flamboyante carrière dans la finance s'offrait à elle. Pourquoi Dieu voulait-il la rapatrier à ses côtés alors qu'elle avait toute une vie qui l'attendait ici sur terre? Pourquoi devait-elle partir alors qu'elle ne lui avait même pas fait d'adieu? Les mains sur les yeux afin de cacher son visage rougeâtre et bouffi par les larmes, elle sentit le poids d'une main sur son épaule, son mari. Relevant les yeux vers lui, Abby se rendit compte qu'il était en vie et qu'il semblait bien aller malgré quelques contusions superficielles, au pire, peut-être un léger traumatisme crânien. Ce qui selon elle, n'avait aucun sens! Comment le conducteur, en occurrence son mari, pouvait-il s'en être sorti sans la moindre blessure sérieuse? Trouvant la force de se relever, la demoiselle regarda son mari complètement déboussolée. « Mais...comment?...c'est impossible... » Secouant la tête de gauche à droite, Abby sorti de la pièce, Frank sur les talons, s'engouffrant dans une chambre vide, elle tourna sur ses talons et envoya sa main rencontrer la joue du jeune homme avec une force qu'elle ne se connaissait pas. La tristesse se transforma peu à peu en colère et malheureusement, cette colère fut canalisée vers Frank. « Comment as-tu pu? Comment as-tu pu laisser Maddie mourir ainsi? Tu devais la protéger! » Prise d'une seconde crise de larmes, Abby s'assied sur un siège vacant, refusant les caresses que lui offrait son mari. Non, elle ne pouvait plus le regarder en face, tout ce qu'elle voyait était le visage de sa défunte sœur et cette culpabilité qui la rongeait. Dans son esprit, si Maddie n'était pas montée dans la voiture de Frank, l'accident n'aurait pas eu lieu et sa jeune sœur sera encore en vie à l'heure actuelle. Reprenant peu à peu le contrôle sur sa respiration, Abby fixa ses pieds sur le sol, seul objet auquel elle pouvait se rattacher en ce moment pénible. « Je ne pourrai jamais te le pardonner...Non jamais...Et dès demain matin, j'apprécierais que tu emménages dans une autre maison. Je ne peux pas vivre avec toi, pas maintenant...» Dit-elle d'une voix froide et à peine audible. Elle avait besoin de se retrouver seule quelques temps, ne serais-ce que pour faire son deuil et essayer de comprendre la situation. Elle aimait beaucoup son mari, mais pour le moment, tout ce qu'elle voyait dans ses yeux était le reflet de sa sœur et cela, elle ne pouvait pas le supporter. Sans un regard, Abby quitta la pièce afin d'aller prévenir le reste de la famille. Peut-être y trouvera-t-elle un certain réconfort?