« Miiil... » « Pourquoi tu pleures encore, t'as perdu ta robe préférée ? » « Pourquoi t'es aussi méchante ? Tu sais très bien que c'est autre chose ! » « Je bosse, Elea. Sors. » Et ma petite sœur était partie en courant. J'ai toujours été méchante avec elle, je ne sais pas très bien pourquoi. De la pure jalousie, je suppose. J'avais dix-sept ans au moment où cette scène s'est déroulée. Elle, quinze. Je m'en rappelle clairement parce que la nuit d'après elle disparaissait, elle avait fait une fugue. J'ai eu la peur de ma vie, je savais que s'il lui était arrivé quelque chose, ça aurait été de ma faute. Je ne me le serais jamais pardonnée. Mais déjà à son âge, elle avait tout. Une nuée de jeunes hommes qui la suivait partout, espérant les faveurs de la reine Eleana, des bonnes notes sans travaillé, un style génial, un fort caractère qui lui permettait de ne pas se laisser marcher sur les pieds. Moi je n'avais pas le droit à tout ça, principalement parce que mes parents avaient choisi un chemin tout tracé pour moi. Et ça aurait été le même schéma pour ma petite sœur, si elle n'avait pas montré des signes de rébellion dès son plus jeune âge. Bref, toujours est-il qu'elle est revenue le lendemain soir, et que je me suis promis de bien la traité à la suite de cette anecdote, si j'ose appeler ça comme ça. Je ne me plains pas de ma vie, je ne l'ai jamais fait et ce n'est pas maintenant que je vais commencer. Je pars du principe qu'il y a toujours pire. Et de quoi je me plaindrais, franchement ? Ma situation financière est bonne, voire très bonne – merci papa et maman -, je fais des études de droit ce qui aboutira forcément à un bon métier, j'ai une famille très présente pour moi, malgré le fait que mes relations avec mon père soit on ne peut plus limitées et je peux compter sur pas mal d'amis. Mais je ne dis pas tout. La raison de ma douleur, l'unique raison pour laquelle je pourrais pleurer, c'est mon enfant. Mon enfant que j'ai abandonné il y a maintenant un an de cela et qui me manque terriblement. Pourquoi je suis partie, qu'est-ce qui m'a poussé à les laisser, lui et son père, et m'en aller sans me retourner ? Je vais vous l'expliquer. Donnez moi un peu de temps, que je raconte le début de mon histoire, et je vous explique tout.

Je pense que mon père ne m'a jamais vraiment aimé. Ca m'a déstabilisé, durant toute mon enfance. Si je ne me suis pas rebellée contre lui avant l'âge de vingt ans, c'est parce que j'avais encore l'espoir de pouvoir le contenter. Je travaillais bien à l'école, je ne faisais jamais de bêtises. Je n'ai même pas profité de mon adolescence comme j'aurais dû. J'ai finis par devenir comme lui, un monstre d'ambition délaissant sa famille. Quand j'étais au lycée, au lieu de m'amuser, de sortir avec des garçons, de faire la fête, je travaillais sans relâche, dans l'espoir d'un commentaire positif de mon père, mais ce n'était jamais assez bien. Lorsque je vivais encore à Milan, j'aimais prendre mon vélo et m'enfuir chez mon oncle et ma tante. Mon cousin, de mon âge était toujours là pour moi. Je ne compte plus le nombre de fois où je suis allée pleurer chez lui, pour diverses raisons. Il avait toujours les mots pour me remonter le moral, et encore aujourd'hui c'est le cas. D'ailleurs, quitter ma ville, mes habitudes et ma famille alors que j'avais dix ans m'a vraiment blesser. Mais ce cher monsieur Evans était un homme d'affaires, alors pour lui c'était normal d'arracher sa femme et ses deux filles à leur ville natale pour partir à Los Angeles. Ma mère, italienne de pure souche, n'a jamais accepté cette décision, et elle prenait souvent des avions vers l'Italie pour revenir une semaine plus tard. J'aimais partir avec elle, passer un moment avec pour compagnie mon modèle vivant sur Terre. J'aurais aimé être comme elle. Avoir le courage de privilégier ma famille à tout autre chose. Mais j'ai été élevée dans l'esprit qu'il fallait savoir se préparer un avenir convenable pour vivre bien. Petit à petit, je suis devenue d'accord avec cette idée. L'argent ne fait pas le bonheur, mais il y contribue. Et un bon métier est égal à un bon salaire. Aussi simple qu'un plus un égale deux.

J'ai rencontré Isaac alors que j'avais seize ans. Je ne voulais pas m'embarquer dans une histoire d'amour, je supposais ne pas avoir le temps pour ça. Mais le jeune homme ne m'en a pas vraiment laisser le choix. Il était tellement adorable, présent pour moi, je me sentais vivante avec lui, et pas seulement comme une machine à bonnes notes. Je suis tombée amoureuse en un rien de temps, sans même m'en rendre compte. A dix-huit ans, je me suis installée avec lui. J'arrivais merveilleusement bien à jongler entre mes études – je venais de rentrer à l'université – et mon histoire d'amour, mieux que je ne l'aurais cru. Cela ne m'avait pas détourné de mes ambitions, au contraire. Je voulais encore plus réussir dans ma vie pour pouvoir, à l'avenir, fonder une famille avec l'homme que j'aimais. Mais pas tout de suite. Malheureusement, le destin en décida autrement, et je me suis retrouvée enceinte à dix-neuf ans et des poussières. Je ne voulais pas de cet enfant, il allait foutre ma vie en l'air ! Bonjour, couches et pleurs, adieu études. Je n'étais pas prête à élever un bébé, qui plus est. Mais Isaac n'était pas de mon avis, je n'ai pas eu le choix, son pouvoir de persuasion était à l’œuvre dès la seconde où je lui ai annoncé la nouvelle. J'ai gardé cet enfant pour lui faire plaisir. Et finalement, je me suis habituée à l'idée qu'un nouveau membre allait s'épanouir dans notre petite famille. Ma grossesse nous à rapproché, Isaac et moi. Il à été super, pendant ces neuf mois. Pourtant, j'ai vite déchanté lorsque j'ai accouché. Il ne s'occupait plus de moi, tout son amour allait vers notre magnifique petit garçon, Owen. C'est comme ce petit bonhomme avait détourné le fleuve d'amour qui m'était destiné vers lui. Et pire encore, mon fils ne m'aimait pas. J'avais beau le bercé, lui faire des bisous, lui parler, il ne m'acceptait pas. Il voulait seulement son père. Alors je suis partie. Je ne supportais pas cette situation, elle me rendait folle de tristesse, j'ai donc laissé les deux amours de ma vie en plan. Sans hésitation. Et je voulais continuer mes études, je me suis donc rendue à New-York.

Je me promène dans les rues de Weaver View. Je sais que Owen et Isaac s'y trouve. Je suis ici pour eux. Je veux faire partie de leurs vies, reprendre mon rôle de mère. Je veux que mon fils m'aime, et retrouver la petite étincelle dans les yeux de mon premier amour qui a fait chavirer mon cœur. J'ai eu mon diplôme, mes études sont finies. Je compte ouvrir un cabinet d'avocat dans une ville aux alentours. Mes rêves peuvent tous se réaliser ! Un bon travail, une famille aimante, et du bonheur. Des litres et des litres de bonheur ! Mais pour ça, il faut que Isaac me laisse revenir. Je le connais, je suis sure qu'il ne sera pas d'accord. Des bonnes raisons pour ne pas l'être, il y en a des milliards. A commencer par le fait que je ne suis pas fiable, je suis déjà partie une fois, je peux recommencer. La différence, c'est que cette fois je suis sure que je peux assumer mon rôle de mère à plein temps. C'est ce dont j'ai envie. Et je peux vous dire que dans la famille Isola-Evans, lorsque l'on veut quelque chose, on l'obtient. Qu'importe le temps que l'on met, qu'importe les moyens employés.